blouin

Par Egmont Labadie,Publié: 29 Octobre 2013

 

 

Après les vins du Minervois, la découverte de nouveaux grands vins se déplace encore plus à l’est, vers un vignoble à la confluence entre le Languedoc et la Vallée du Rhône, Lirac (département du Gard).

Deux terroirs très différents, à gauche les galets de quartz roulés, à droite les éboulis calcaires.

Cette petite appellation (700 hectares) a longtemps fait un complexe d’infériorité vis à vis de son grand voisin Châteauneuf du Pape, qui est quatre fois plus étendu et beaucoup plus connu. Mais depuis dix ans, les vins ont connu une remarquable progression en qualité, en particulier grâce à la venue dans l’appellation de vignerons châteaunevois. Comme l’explique Séverine Lemoine, jeune vigneronne au domaine La Rocalière, « ça a été très positif, puisque ceux qui sont venus sont des bons ! », comme le château Mont Redon, le domaine de la Mordorée, le château de la Gardine ou encore la Famille Bréchet.

Dans le même temps, explique Olivier Montovani, directeur de la cave de Roquemaure qui produit d’excellents vins de soif (cuvée Saint Valentin), « ceux qui faisaient mauvais ne sont plus là, de nombreux domaines ont été repris, il y a eu beaucoup d’efforts dans le travail des vignes, et de jeunes générations mieux formées ont succédé aux précédentes. » En conséquence, on trouve maintenant dans de nombreuses bouteilles une finesse, une recherche, qui n’étaient pas aussi évidentes auparavant.

Si la différence avec le statu quo ante mérite qu’on s’intéresse à cette AOC, il faudra aussi la suivre dans le futur. Possédant trois des grands terroirs classiques de la vallée du Rhône, les argiles, les calcaires et les terrasses jonchées de galets de quartz, la présence de bons vignerons animés par une recherche esthétique devrait, selon Séverine Lemoine « montrer qu’à Lirac, il y a une différence stylistique. On a une carte à jouer, peut-être moins orientée vers le grenache épicé qu’à Châteauneuf, avec de bons assemblages entre grenache, syrah et mourvèdre, présentant de la concentration, mais en restant sur la finesse et l’élégance. » Une recherche déjà à l’œuvre dans les vins de cette vigneronne en conversion vers l’agriculture biologique, dont elle a remarqué l’effet positif sur « la minéralité, la digestibilité des vins, et un côté floral que j’aime beaucoup », a-t-elle expliqué à BLOUIN ARTINFO.

 

Pour se convaincre des indéniables aptitudes de ce vignoble à produire des grands vins, voici huit remarquables cuvées.

En blanc, le Mont Redon 2012 (11€), avec ses arômes de miel, de pêche blanche et d’acacia, est un excellent vin d’élevage velouté, long, aromatique mais conclu par une très jolie finesse, sa puissance retenue fera merveille sur un carpaccio de Saint Jacques à la truffe blanche. Dans un style proche, le Famille Bréchet Plateau des chênes 2012 (13,5€), un peu plus minéral, se distingue par une bouche un peu plus légère, juteuse, avec des nuances de sève de pin en fin. Plus typé vallée du Rhône, moins proche des Châteauneufs, la cuvée Casta Diva du domaine Maby 2012 (16€) joue la carte des fleurs, glaïeul, acacia, genêt, avec des nuances d’écorce d’agrume et de pierre à fusil, mais toujours dans une belle profondeur.

Du côté des rouges, plusieurs domaines produisent des magnums à des prix équivalents à ceux d’une bouteille de 75 centilitres à Châteauneuf, il serait donc dommage de se priver de ces contenants tellement favorables au bon vieillissement du vin. La cuvée Vieilles vignes du domaine Luc Pélaquié 2007 (30€ le magnum) présente de beaux arômes corsés, entre chocolat, fruits rouges et léger pétrolé, mentholé, réglissé, avant une fin un peu café, et pleine de fraîcheur, une véritable bombe, mais sans aucune lourdeur. La cuvée Nessun Dorma du domaine Maby 2007 (40€ le magnum) offre une magnifique concentration, entre fruits rouges, sauce de viande et myrtille, avant une matière gourmande, veloutée, et des tanins très fins, le tout finissant sur beaucoup de fraîcheur. Les deux seront parfaits avec une daube de sanglier. Très différent, le Mont Redon 2009 (24€ le magnum) est tout en délicatesse, d’une magnifique finesse, sur la cerise, le pain d’épices, finissant sur une fraîcheur épicée, curry, un véritable délice en persistance.

Encore dans un autre style, la cuvée La Rocalière 2011 (8,6€ les 75 cl) se distingue par une grande précision d’arômes, avec des notes florales de violette et de lavande, avant une succession de fruits rouges, griottes et kirsch, et une superbe fin sur le fruit noir prolongé par des arômes de cacao. Il fera merveille avec un plat d’agneau. Enfin, un peu plus rustique, le Plateau des chênes rouge 2011 (12,5€ les 75 cl), très gourmand avec sa profondeur de tarte tatin, sa grande tendresse de texture, son léger côté toasté, finit sur des tanins légèrement duveteux, évoquant les sous-bois. Il appelle les viandes rouges nappées d’une légère sauce.